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Phuket Town : Le festival végétarien des neuf Dieux empereurs .

J’ai volontairement placé la vidéo à la fin de l’article, de façon à ne pas court-circuiter les différentes phases du festival décrites ci-dessous .
Tous les ans, pendant les 9 premiers jours du 9ème mois lunaire du calendrier Chinois (fin Septembre, début Octobre), la population de Phuket Town se revêt de blanc et invite les 9 Dieux Empereurs qui régissent les phénomènes de la vie et de la mort, représentés par les étoiles de la Grande Ourse, excepté deux qui sont invisibles à l’œil nu .
Cette tradition ancestrale Taoïste, a commencé en Thaïlande il y a plus de 170 ans, dans le village de Takua Pa, dans la province de Phang Nga, voisine de Phuket : afin de lutter contre une terrible épidémie (paludisme ?), la population a été invitée à ne pas consommer de viande et à stopper les rapports sexuels pendant ces 9 jours . Quelques années plus tard, la communauté Sino-Thai de Phuket Town, a également instauré le festival, les résultats furent spectaculaires et la mortalité liée aux maladies baissa très sensiblement .
Dans l’orthodoxie du Taoïsme, il faut chasser les mauvais esprits de la ville en faisant le plus de « pétard » possible, la Chine n’a pas inventée la poudre par hasard, et sur ce point, le festival des 9 Dieux est une ahurissante démonstration de leur savoir faire en matière d’explosifs.
La purification par la souffrance infligée au corps est la deuxième méthode pratiquée, d’une part pour la purification personnelle, et par extension pour celle de la ville, de son environnement et de ses habitants, il s’agit d’une démarche bienveillante qui peut paraître inattendue, masochiste , vomitive pour un occidental .
Le festival de Phuket est particulier : il est le seul à proposer des piercings extrêmes et des auto-mutilations, il est interdit dans le monde entier, on retrouve la célébration pendant les 9 jours à Singapour et dans d’autres villes de Thaïlande et pays Asiatiques, mais en plus soft, à l’instar de celui de Takua Pa qui est toujours actif .
Ce festival m’a tout simplement fasciné et j’y retournerai .

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Phuket, la plus grande ile de Thaïlande, jadis joyaux des mers, est actuellement un complexe commercial gigantesque bordé de plages sans charme, où des milliers de touristes du monde entier viennent se vautrer .
Après avoir testé en 2014 Rawai et ses plages, au sud de l’île, me voici invité avec Aree chez sa cousine, qui jouit de l’appartement de son copain, dans une résidence moderne à 100m de la plage de Karon . Pour moi, ce n’est pas la peine de se déplacer à 10 000 Km de chez soi pour retrouver un lieu aussi insipide et vulgaire, qu’allons-nous faire ici ?

La réponse ne tarde pas à jaillir : en feuilletant le web, je tombe sur les dates du Festival végétarien de Phuket : nous sommes en plein dedans, il a commencé depuis 4 jours et dure 9 jours . Cela fait 5 ans que je souhaite le découvrir et cela m’était complètement sorti de l’esprit . En attendant, sur la terrasse, je suis tombé sur un Trycondyla Annulicornus, un bel insecte prédateur et inoffensif pour l’homme, le supra méga prédateur .

Phuket Town

Go pour Phuket town, la plus vieille ville de l’île, les hôtels sont faciles à réserver, pas chers, étrange en plein festival, ça c’est le premier bonus, le deuxième c’est que cet endroit est charmant, que la population est amicale, oui je suis bien à Phuket et cela n’a rien à voir avec mon expérience d’il y a deux ans .

La Cuisine Végétarienne .

C’est l’après midi, pas de procession à cette heure-là, la ville est paisible, seule la rue devant le temple Chinois Bang Neow est très active, longée de stands proposant de la nourriture végétarienne, y compris des imitations de viande et de poisson à base de légumes ou de tofus .

 Noi, une autre pétillante Thaïlandaise .

La première procession sera pour demain matin, pour l’instant Noi, une amie Facebook jamais rencontrée, œuvre à proximité du Sapha Hin, le temple en bordure de mer ou toute les processions quotidiennes se terminent . Noi travaille dans le milieu associatif et assiste les familles et enfants dans des écoles de la région, pour le festival elle aide l’équipe culinaire .

La cantine du festival

L’organisation est phénoménale : des milliers de plats sont débités midi et soir et cela gratuitement, y compris des desserts, chacun lave ensuite ses couverts en communauté, une magnifique dynamique dans la sérénité et la joie . J’étais le seul farang présent sur les lieux .

Le bord de mer à quelques mètres, permet de se poser pour manger, c’est l’occasion pour les enfants de lancer quelques pétards, enfin quelques …cela n’arrête pas et ce n’est qu’un échantillon, et je suis loin, très loin de connaître l’ampleur que ça prendra sous peu …

Le Sapha Hin Shrine

C’est la fin de la journée, le Sapha Hin est investi par les adeptes pendant le festival, la Déesse-Bodhisattva Chinoise Guanyin, rencontrée régulièrement dans mes autres articles, protège le lieu .

La place de l’horloge

Retour à l’hôtel, idéalement placé, avec vue sur la place de l’horloge, l’ambiance a bien changé depuis cet après midi, à présent des centaines de Thaïlandais posent au pied des figures de soie illuminées et font exploser des pétards, certains capables de faire vibrer les fondations des immeubles .

L’emplacement de l’hôtel était tellement parfait que les pétards n’ont pas cessé de retentir presque toute la nuit dans la chambre, ou tout comme, les boules quiès se sont montrées insuffisantes, les murs de l’hôtel vibraient par moment , une belle nuit blanche et un changement de lieu à prévoir .

La première Procession

C’est à 5h45 du mat que les pénitents entament la procession entre le Bang Neow et le Sapha Hin, la journée sera dure .
Et ce 6 Octobre 2016 commence en douceur avec l’apparition des premiers ascètes aux joues littéralement défoncées par des lames, brochettes, armes, branches et autres objets possédant un manche, je compile ici les 3 processions de 3 différents temples sur 3 jours :

Les dévots femmes

Les dévots hommes

Les auto-mutilations

D’autres ont choisi l’auto-mutilation, qui consiste à s’entailler des zones du corps à l’aide de parties tranchantes, on comprend mieux l’appellation de festival végétarien .

La magie du festival

C’est visuellement impressionnant et cela peut paraître effroyable, étant moi-même très sensible je m’aperçois que je ne ressent aucun dégoût ou autre sensation de malaise en me rapprochant des dévots . Le climat qui règne ici est serein, et véritablement religieux, finalement c’est le respect qui s’impose dans les esprits. Il n’est pas facile de comprendre tout ce qui se passe dans ce cortège dense, qui fini par paraître comme enchanté : des personnages féériques apparaissent, des divinités, des moines et shamans masculins et féminin vibrent de la tête, « en transe », certains recouvrent sur leur passage la foule à l’aide d’un étendard, ils semblent glisser sur le bitume, presque irréels, d’autres distribuent des bonbons ou des fruits, tout va très vite, la marche est très soutenue.
C’est guérison qui me semble être le mot approprié à ces actes, la ville se purifie sous nos yeux, les dévots transpercés ne me semblent plus être là pour le spectaculaire, mais pour l’utile, une dimension de bienveillance enveloppe progressivement les rues de la vielle ville qui explose de vie, mais pas que de vie …

Les palanquins qui crépitent

Les pétards de cette nuit n’étaient qu’une infime quantité de ce qui est déversé pendant le festival et plus particulièrement sur les palanquins contenant des Idoles, portés par des gars qui vont en prendre plein la tronche !
Ces formations, en fin de procession, s’annoncent par une tonitruance indescriptible noyée dans une couche de fumée qui plonge la ville dans une ambiance flou et flottante . Les idoles crépitent crescendos sous les milliers de pétards projetés, les porteurs sont sommés de s’arrêter dès qu’une personne apporte une offrande de taille sous forme de ceinture d’explosifs, certaines sont suspendues au bout d’une perche, d’autres sont enroulées directement autour de l’idole et là …c’est une effervescence apocalyptique de feu, de fumée et de décibels,  les palanquins sont énergiquement secoués par les porteurs pendant la combustion . Les plus grosses offrandes sont souvent distribuées en façades de commerces ou autres grand hôtels et à la fin de la procession, lors du retour au temple d’origine .
Pour se rendre compte un peu mieux des scènes, je recommande de visionner la vidéo en fin d’article .

La cérémonie pour les Dieux

Chaque procession quotidienne, opérée par un temple différent, aboutie au bord de mer, près du Sapha Hin, tous les personnages de ce colossal jeu de rôle se rassemblent, un moine entame une pratique religieuse ponctuée de tintements de cloches et de gongs, pendant une demi-heure, je suppose que le but et d’inviter les neufs Dieux, le cortège prend ensuite la route du retour vers son temple .

Le Choc : la dernière procession, en nocturne .

C’est à 23h, en nocturne et sous la pluie, que les 9 temples Chinois aux quatre coins de la ville,  synchronisés, effectuent la dernière procession, nous partirons tous les trois, avec Noi, du temple le plus proche, à nouveau le Bang Neow .
Les palanquins explosent littéralement pour annoncer le départ, libérant une fumée et des débris de pétards qui vont engloutir complètement toute la rue, ça commence fort ! Voir la vidéo à la fin .
Par la suite, la procession file à toute vitesse en direction du Sapha Hin en bord de mer, déjà vu plus haut, les 9 temples convergent jusque là, ça fait du monde, toute la ville est sillonnée par les dévots et les palanquins . Pour la dernière procession, il n’y a pas de piercing ou autre mutilation .
Le cortège a filé si vite que les rues de Phuket town paraissent au premier abord calmes, la population est plantée sur les rebords de toute la longueur de la route menant au Sapha Hin, et projette des centaines d’explosifs, il ne faut pas être cardiaque, Aree et Noi ne préfèrent pas marcher plus en avant, elles m’avouent être un peu effrayées . Je parcours environ 500 mètres et me retrouve près du grand carrefour ou une foule très dense attend dans le silence (relatif) le passage des autres temples .

A l’arrivée des dévots et des palanquins, j’assiste à une fin du monde qui restera émotionnellement comme étant un des instants les plus intenses de ma vie . Ce sont cette fois-ci des trombes de pétards qui sont lancées sur les ascètes et les porteurs, qui sont pieds nus . Le lieu que j’ai arpenté plusieurs fois ces derniers jours et méconnaissable, des scènes cinématographiques se forment de façon aléatoire, parfois Indiana Jones dans les Aventuriers de l’arche perdue,  accentué par la présence des palanquins, ou encore le jour des morts-vivants tant certaines silhouettes font penser à des zombies .  Des tableaux mythologiques se dessinent, montrant avec puissance l’énergie du Taoïsme, qui s’impose sur l’instant comme une religion à la fois éternelle et vivante .  L’ensemble est tonitruant, et c’est peu de le dire, sans les bouchons on est certain de finir avec – 30 db sur un audiogramme .

La vidéo

Voici un court montage qui montre à la fois l’ambiance visuelle et sonore du festival, et qui regroupe les différentes phases décrites plus haut .

Finalement Aree et Noi étaient à dix mètres de moi, et nous restons ensemble encore bien plus d’une heure, jusqu’au passage du dernier temple, vers 1h du mat . Lessivés, nous rentrerons lentement, les pensées crépitantes à propos de ce festival .

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